La voiture autonome, un non-sens ?
S’il est bien un sujet qui divise, c’est la voiture autonome. Avec elle, le plaisir de conduire est amené à disparaître, les gens n’ont plus besoin de savoir conduire… La liste des reproches qui lui sont faits est longue comme le bras. Pourtant, lorsqu’on prend le temps de réfléchir, le problème fondamental de la voiture autonome n’est dans aucun des arguments avancés. Prenons le temps d’en parler à tête reposée, mais la réflexion va nous mener vers une réponse que vous n’attendez pas.
Nous sommes actuellement en plein changement de paradigme, en ce qui concerne l’automobile. Il serait vain de le nier, entre les changements de mode de propulsion, les voitures autonomes, les réglementations qui évoluent en terme de sécurité routière (lire aussi notre article sur le passage à 80 km/h). Qu’on le veuille ou non, la position de l’automobile dans la société change, sur certains points à marche forcée, sur d’autres, juste en accord avec l’évolution de la société en elle-même.
La voiture autonome, kézako ?
Comme son nom l’indique, c’est une voiture… autonome. C’est-à-dire qu’elle est capable de se mouvoir dans la circulation par elle-même, sans avoir recours à un conducteur. Dans le détail, cela revient à avoir une quantité importante de capteurs qui relèvent tout. Il faut connaitre la position de la voiture, bien évidemment, mais également prendre en compte la signalisation verticale et horizontale ou encore les autres véhicules ou obstacles qui pourraient se trouver sur la route.
Sur le fond une bonne idee
Même si je dois bien reconnaître un assez faible attrait pour la voiture autonome, il faut avouer que retirer le facteur humain de l’équation c’est faire chuter drastiquement le nombre d’accidents. Entendons-nous bien, je ne dis pas que tous les automobilistes sont des dangers publics, loin de là. Cependant, que celui qui n’a jamais commis une seule erreur (ayant des conséquences ou non) lors d’une situation d’urgence me jette la premiere jante ! Et c’est peut-être la la principale source du problème, l’être humain est faillible. Une machine, sous réserve d’une programmation correcte et d’un usage dans le cadre de sa programmation, retire la majeure partie, si ce n’est l’intégralité, des incertitudes liées au cerveau humain.
Pourquoi la voiture autonome ne peut pas être pérenne
La réponse est assez complexe, car l’approche tient plus de celle d’un système informatique que de la gestion d’un flux de circulation, plus proche (croyez le ou non) d’un réseau de plomberie. Premier problème, la voiture autonome est livrée à elle-même et doit donc avoir incorporé dans son programme TOUS les cas de figure… ce qui est absolument impossible. Preuve en est, les résultats des tests menés par Thatcham (information relayée par Jalopnik, en anglais) mettent en avant une « faille » dans l’Autopilot Tesla : si le véhicule de devant se déporte à la dernière minute pour éviter un véhicule arrêté, l’Autopilot n’est pas capable d’assurer la manœuvre d’évitement. J’entends bien que même les conditions d’utilisation des systèmes autonomes à l’heure actuelle précisent au « conducteur » de garder un œil sur la route et de reprendre les commandes en cas d’urgence, mais de fait, ce n’est plus être autonome… Mais cela résume également quelques unes des faiblesses des utilisateurs : à avoir trop confiance dans un système qui fonctionne parfaitement dans la majorité des cas, on en oublie que la minorité peut être dangereuse, voire fatale.
Autre souci de taille, la voiture autonome est aussi potentiellement amenée à réduire les problèmes de traffic. Malheureusement, il est franchement difficile d’y arriver dans un avenir proche. D’une part, vu la taille du parc autonome en circulation, il est impossible d’avoir un quelconque impact. D’autre part, l’intercommunication entre les véhicules est plutôt limitée, car les réseaux permettant d’assurer un tel degré de transfert de données n’existent tout simplement pas, sans parler des formats propriétaires, incompatibles entre un constructeur et un autre.
Et si on avait abordé le sujet dans le mauvais sens ?
Malgré cet abattage en règle de la voiture autonome, je dois reconnaître que je n’ai absolument rien contre la voiture sans conducteur ! Paradoxal ? Absolument pas, et nous y viendrons dans un instant. Là où certains voient le besoin de mettre en place un « Code de la Route des Robots » (voir l’article de Bagnole-Art sur le sujet), le système que je vais évoquer est inapplicable en l’état actuel des choses, et il demande certains investissements également des pouvoirs publics, ainsi que certaines évolutions en terme de télécommunications qui n’en sont qu’à leur balbutiements à l’heure actuelle. Et bien évidemment, c’est une réflexion comme une autre sur le sujet, en aucun cas une vérité absolue (d’ailleurs si vous avez une autre vision de la chose n’hésitez pas à nous la partager).
Je vais énoncer une lapalissade, si vous souhaitez un système automatisé, la première chose est d’avoir un environnement contrôlé. Cela permet de réduire au maximum les incertitudes, et surtout, les situations « hors programme ». En résumé, un parc automobile constitué en intégralité de véhicules sans conducteur, des canaux de communication et un réseau routier (notamment en ville) revus. Folie pure ? Peut-être pas tant que cela.
Il est un exemple qui montre qu’avec un environnement contrôlé, il est possible de quasiment automatiser la circulation des… avions ! Si vous parlez à n’importe quel pilote de ligne, il vous avouera que la majeure partie du vol se passe sans interventions humaine. Cependant, les pilotes jouent un rôle de superviseur système et ne reprennent la main qu’en cas de situation « hors programme », ou d’avarie du système. Mais surtout, l’environnement est contrôlé à plusieurs niveaux : couloirs aériens structurés empêchant la proximité directe, supervision extérieure afin d’empêcher les croisements de route, redondance des contrôles, à bord comme à l’extérieur… On est bien loin de la liberté, mais les résultats en terme de sécurité sont statistiquement spectaculaires.
A partir de ces éléments, comment serait-il possible d’appliquer tout cela à l’automobile ? Eh bien, il y a beaucoup de choses à revoir, mais ce n’est pas impossible. Tout d’abord, il faut « encapsuler » la circulation, principalement en ville, c’est-à-dire, empêcher l’accès aux piétons à la route, comme il est contrôlé dans le domaine ferroviaire. D’autre part, il faut que les voitures communiquent entre elles, via un système centralisé, permettant une gestion du traffic à grande échelle. Le but n’est pas de jouer à Big Brother, mais d’optimiser la circulation sur l’ensemble du réseau, en adaptant la vitesse à chaque instant même à des kilomètres de distance, afin d’absorber l’effet accordéon et d’éviter les bouchons, à l’instar de ce que l’on fait avec les réseaux électriques ou d’adduction d’eau, en résumé.
De ce fait, l’automatisation en développement à l’heure actuelle deviendrait la solution redondante, et non la solution primaire, doublant ainsi la sécurisation du système.
Je le reconnais, ce n’est pas une vision forcément engageante, avec le prisme de notre génération, habituée à la voiture personnelle. Si j’osais, je dirais que nous sommes à peu près au même niveau de changement de paradigme que lorsqu’on a abandonné le transport hippomobile (qui était partagé, dans une grande partie des cas). Pourtant, la plupart des automobilistes (et même les passionnés) passent la majeure partie de leur temps à effectuer des déplacements utilitaires. A partir de là, un système partagé, où la voiture n’est plus nécessairement un bien personnel n’est pas forcément inenvisageable, mais au prix d’un gros changement de société. En tout cas, certaines oeuvres en ont déjà fait état, comme éX-Driver (lire aussi éX-Driver: et si c’était ce qui nous attend ?). Seul l’avenir nous dira ce qu’il en est, mais il y a fort à parier que nous ne serons pas là pour voir le résultat.
Si au lieu dêtre parfaitement autonome, comme nous venons de l’énoncer
Dite-moi comment un conducteur de 2100 qui n’utilise plus que des voitures autonomes et donc sans expérience de conduite réel peut superviser et surtout savoir quoi faire quand il doit reprendre les commandes en cas d’urgence ?
Pour la supervision, l’opérateur n’a pas besoin d’être en voiture (au passage, un aiguilleur du ciel n’a pas pour prérequis de savoir piloter).
Quant à la réaction en cas d’urgence, je ne le nierai pas, je n’en sais rien. Peut-être un opérateur de bord, peut-être une autre solution technique
Cet article est avant tout une piste de réflexion, pas une démonstration par A+B de ce qu’il faut faire.