Thomas Midgley, terraformeur malgré lui.

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Cela fait maintenant 50 ans qu’on a posé le pied sur la Lune. Et à l’heure où Elon Musk nous parle de coloniser Mars, les histoires de terraformation, chères à la SF, refont surface. Mais prenons le temps de nous pencher sur celui qui a modifié l’atmosphère terrestre pendant presque un siècle, Thomas Midgley.

« Saturnisation » de la Terre

Nous sommes dans les années 20. L’essence pose d’assez sérieux problèmes au constructeurs automobiles. En effet, celle-ci a une fâcheuse tendance à s’enflammer avant que la bougie ne génère une étincelle. Ce phénomène de « cliquetis » est destructeur pour les cylindres et les constructeurs s’en inquiètent.

C’est là qu’arrive notre bon Thomas Midgley, entré chez General Motors en 1916. Cinq ans plus tard, au sein des Dayton Research Laboratories, Midgley découvre que l’ajout de plomb tétraéthyle annihile la cliquetis dans les moteurs à combustion interne.

C’est sous le nom d' »Ethyl » que l’additif sera vendu, évitant toute référence au plomb contenu dans le produit. Les pétroliers et les constructeurs automobile en feront la promotion, arguant une plus grande efficacité contre le cliquetis que l’éthanol.

Dans la foulée, Midgley se verra décerner la médaille Nichols pour « l’utilisation de composés anti-cliquetis dans les carburants », le premier prix de sa carrière.

La Standard Oil (Esso) s’allie en 1924 à General Motors pour fonder l’Ethyl Gasoline Corporation afin de produire du plomb tétraéthyle en quantité suffisante pour les besoins du parc automobile.

La suite, on la connait plus ou moins. La nocivité du plomb sur l’organisme était déjà connue, et l’industrialisation du plomb tétraéthyle a causé quelques morts, ainsi que de nombreux empoisonnements au plomb, dont Thomas Midgley.

Il faudra attendre 1972 pour que l’agence de protection de l’environnement américaine se lance dans une action afin d’interdire le plomb tétraéthyle sur le marché US. Il faudra attendre jusque 1986 pour que cette décision soit appliquée dans les 50 Etats. En Europe, il faudra attendre le premier janvier 2001 pour que la commercialisation d’essence plombée soit finalement interdite.

A l’attaque de la haute atmosphère

C’est pour le compte de Frigidaire que Thomas Midgley signera son deuxième coup d’éclat, et cette fois-ci, les effets ne sont pas limités aux zones de circulation automobile.

Au milieu des années 20, la firme de Dayton cherche de nouveaux fluides frigorifiques. En effet, les machines de l’époque ont majoritairement recours à des gaz tels que l’ammoniac, le propane ou le dioxyde de soufre. Le but est de trouver une alternative ni toxique, ni explosive.

Leurs expérimentations les amènent à la création des chlorofluorocarbures (CFC). Ces composés chimiques s’avèrent très volatiles (une nécessité pour un fluide frigorifique) et chimiquement neutres. Les équipes de Thomas Midgley supposent que ces nouveaux composés ne peuvent pas être toxiques. En effet, d’après eux, la solidité de la liaison entre le fluor et le carbone bloque tout risque de rejet de fluorure d’hydrogène, hautement toxique.

La première molécule stable produite en grande quantité est le dichlorodifluorométhane, plus connu sous le nom de R12, ou plus simplement de Fréon. Elle connait un tel succès qu’elle quitte même le simple cadre de l’indutrie du froid, pour devenir également propulseur d’aérosols, ou d’inhalateurs médicaux.

La suite, vous la connaissez, il s’avère que ces gaz sont de très puissants gaz à effet de serre (12 000 fois plus que le CO2), et pire encore, le chlore contenu dans ces molécules provoque une dégradation rapide de la couche d’ozone .

Une étude de Frank Sherwood Rowland (en anglais), prix Nobel de chimie en 1995 sur la composition atmosphérique, rapporte qu’un atome de chlore compris dans les CFC peut dégrader jusqu’à 100 000 molécules d’ozone.

La fin de Thomas Midgley

Au cours de sa carrière, notre bon ami Thomas Midgley dépose 117 brevets. Il se voit également récompensé par de nombreux prix. En 1941, il reçoit la médaille Priestley décernée par l’American Chemical Society. L’année suivante, il se fait décerner le Willard Gibbs Award. En parallèle, il obtient deux doctorats honoraires et siège à l’Académie des Sciences américaine. Enfin, en 1944, il devient même président de l’American Chemical Society.

Après avoir résisté à deux empoisonnements massifs au plomb, dont un du au fait qu’il avait ingéré un verre de plomb tétraéthyle afin de démontrer aux médias que le composé n’est pas toxique (douce ironie, n’est-ce pas ?), Thomas Midgley contracte la polio en 1940.

C’est elle qui aura raison de lui quatre ans plus tard. En effet, notre inventeur insatiable avait créé un système de poulies lui permettant de sortir de son lit. Il meurt étranglé par sa machine le 2 novembre 1944.

Pierre

Tombé dans la marmite automobile dès le plus jeune âge, cela fait maintenant quelques années que j'essaie de partager mes expériences et connaissances sur internet. Les Flous du Volant me permettent d'aborder des sujets un peu plus transversaux que les sujets que je couvre auprès de certains confrères.

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