EMW, vraies fausses contrefaçons
« EMW, tu voudrais pas dire BMW plutôt ? » Non non, je ne souffre pas de problèmes de vue (enfin si, mais là n’est pas le sujet). Les deux noms sont proches, mais il y a une raison à tout cela. EMW découle de BMW d’une manière assez surprenante. Mais avant d’en arriver là, commençons par le début.
Une usine à Eisenach
Tout commence en 1896. Heinrich Ehrhardt fonde la Fahrzeugfabrik Eisenach (fabrique de véhicules d’Eisenach) où il produit des vélos et des armes à feu. Toutefois, dès 1898, l’activité se dirige vers l’automobile, avec la construction d’une voiture sous licence du constructeur français Decauville. La Wartburg (c’est le nom de cette version germanique) fait ainsi de l’entreprise le troisième constructeur automobile allemand, après Daimler et Benz.
En 1903, faute de capitaux, la famille Ehrhardt se désengage de l’usine. Au passage, Gustav Erhardt (le fils d’Heinrich) conserve la licence Decauville. L’usine continue cependant de produire des voitures, cette fois sous le nom de Dixi. Arrive alors la Première Guerre Mondiale. L’usine d’Eisenach est mobilisée pour contribuer à l’effort de guerre allemand et produit des camions et armes à feu. A la fin des hostilités, l’équipement de l’usine est saisi au titre des réparations de guerre. Toutefois, la production automobile reprend dès 1919, mais les difficultés économiques rencontrées mènent au rachat en 1921 par la Gothaer Waggonfabrik, une usine spécialisée dans la fabrication de wagons et d’aéronefs.
La production se poursuit bon an mal an à travers les années 20, mais les modèles orientés haut de gamme peinent à trouver preneur dans le contexte de l’entre-deux guerres. C’est ainsi qu’en 1927 commence la production de la Dixi DA 3/15, une Austin 7 produite sous licence.
Entrée dans le giron BMW
En 1928, BMW reprend l’usine afin de se lancer dans la construction automobile. En effet, le fabricant de moteur d’avions bavarois s’était reconverti dans la production de moteurs terrestres, ne pouvant produire pour l’aviation, suite au Traité de Versailles. Les premières voitures sont logotées BMW-Dixi, mais dès 1929, elles prennent seulement le nom de BMW, suite à une refonte de la 3/15, qui devient BMW 3/15 DA-2. Ce ne sont pas moins de 25000 3/15 qui sortiront de l’usine d’Eisenach jusque 1932, date à laquelle BMW résilie l’accord de licence avec Austin. La 3/15 se voit remplacée par la 3/20 qui sera produite jusqu’en 1934.
BMW souhaite cependant s’orienter vers des véhicules moins populaires, permettant de dégager un marge plus importante. L’usine d’Eisenach produira les premières 303, ainsi que leurs évolutions (315 et 319), mais aussi les 327 et 328. toutefois la production automobile est suspendue en 1942, pour céder la place à la production de motos pour la Wehrmacht et de moteurs d’avion pour la Luftwaffe.
« Fausses » BMW et EMW
A la fin du conflit, l’usine d’Eisenach a été détruite à près de 60% et celle de Munich ne peut reprendre la production automobile. Cependant, la Thuringe, où se situe Eisenach fait partie de la zone d’occupation soviétique. L’usine (et les outils de production) est saisie par l’administration militaire et devient la Sowjetische AG Maschinenbau Awtowelo , Werk BMW Eisenach (Awtowelo Soviétique SA, produits BMW Eisenach). La production reprend dès la fin 1945 avec la BMW 321, qui arbore toujours les couleurs de la firme bavaroise. Et ce ne sera pas la seule. Entre 1945 et 1952, ce ne seront pas moins de quatre modèles qui arboreront le logo bleu et blanc. La 321, comme on vient de le voir, mais aussi la 326, la 327, et la 340, pur produit d’Eisenach, dérivée de la 327.
En 1952, les propriétaires soviétiques cèdent l’entreprise à la RDA. BMW fait alors enfin valoir ses droits sur son nom, son logo et sa calandre au double haricot. La société devient alors l’Eisenacher Motorenwerk, autrement dit EMW. Les voitures arborent alors un logo très proche de celui de BMW, les quadrants bleus, étant replacés par des quadrants rouges. La production des EMW s’arrêtera en 1955, pour céder la place aux Wartburg.
Au final ce ne sont pas moins de 30 000 « fausses » BMW qui sortiront de l’usine d’Eisenach. Toutefois, de nos jours, la marque est tombée dans l’oubli, comme l’usine, qui a définitivement fermé ses portes en 1991, après la réunification allemande. Mais l’anecdote méritait d’être contée, car la situation était pour le moins surréaliste !