Limitation à 80 km/h : un changement à deux vitesses ?
Hasard de calendrier, mon séjour en France était réservé pour la première semaine de juillet, bien avant l’annonce du changement de limitation à 80 km/h. Sans revenir sur pourquoi ce changement me semble incohérent (lire aussi Limitation à 80 km/h : quand l’État s’emmêle), voici un retour d’expérience sur 1500 km.
J’avoue que je n’en menais pas large lors de mon débarquement à l’aéroport de Bordeaux. Entre le changement de côté de circulation (lire aussi : Les Anglais roulent-ils du mauvais côté?), de véhicule (retour au Grand Cherokee, automatique, lire aussi : les chignoles du taulier) et le changement de limitation de vitesse, difficile d’être à l’aise ! Pourtant après une semaine dans l’hexagone, avec un long périple allant globalement de Bordeaux au Mans, aller-retour, par nationale, un constat étrange s’impose.
Les toutes petites routes, celles pour lesquelles la limitation à 80 km/h ne change rien
Il faut bien l’avouer, autour du village perdu au fin fond de la Charente où résident mes parents, le changement de vitesse maximale autorisé a un impact mineur. Les routes sont tellement étroites, avec une visibilité catastrophique que les autochtones en ont même tendance à rouler au milieu de la route. Honnêtement, atteindre 80 km/h relève du miracle, alors 90… La limitation à 80 km/h semble alors une simple modification sans grand impact, tant en terme de temps, que de consommation que de sécurité.
Les « grands axes » secondaires, ça risque de marcher…
… Mais pas pour les raisons annoncées. Je passais mon week-end au Mans Classic, que News d’Anciennes couvrait presque H24 pendant trois jours. C’était l’occasion de faire le test sur les grands trajets, avec en plus un itinéraire que je connais bien (c’était la route des vacances de ma jeunesse, et j’y suis repassé assez régulièrement en grandissant).
Le constat est accablant. Je n’ai pas conduit pendant plus de 200 km, utilisant juste mes doigts pour ajuster la vitesse du régulateur (pour 10 km/h, même plus la peine de s’embêter à bouger les jambes). Pis encore, la route était absolument déserte ! J’entends bien qu’il ne s’agit pas des derniers tronçons de route nationale, mais tout de même, pas plus de 60 véhicules entre la sortie de Poitiers et l’entrée d’Arnage, ça semble bien peu. Le réseau secondaire semble définitivement déserté, ce qui mécaniquement engendrera moins de morts sur ces routes.
Quant au temps de trajet à peine rallongé qu’on nous vante tant… En théorie, j’aurais dû rallonger mon trajet de 32 minutes, dans la pratique, c’est une heure et demie que je me suis pris dans la vue, malgré des temps de pause réduits à la portion congrue (juste 15 minutes, là où je prenais allègrement ma demi-heure à l’époque).
Des comportements à risque toujours présents
En dehors de cette vision un peu manichéenne de cette loi, je vais énoncer une lapalissade. Ceux qui avaient un comportement à risque à 90 l’ont toujours autant à 80. De ce côté, les personnes roulant bien au-delà de la limitation sont toujours là, celles qui roulent 20 km/h en dessous aussi, et les gens qui montent sur les freins à l’approche du radar n’ont pas disparu.
La seule chose qui m’a vraiment surpris, lors des « files » de 3/4 véhicules que j’ai pu croiser sur ce secteur, ce sont les distances de sécurité. Pour faire simple, personne (ou presque) ne les respecte, à croire que les gens ont tout juste retenu 13 mètres dans la campagne de communication qui a précédé le changement… Et contrairement à ce que j’ai pu lire ça et là sur les réseaux sociaux, ce ne sont pas les poids lourds qui collent les automobilistes, mais bel et bien le contraire. Comme quoi, il serait parfois intéressant de balayer devant sa porte.
En résumé, comme évoqué dans Quand l’État s’emmêle, ce n’est pas l’abaissement en lui-même qui va provoquer l’amélioration des chiffres, mais bel et bien les éléments concomitants, tels que la baisse de fréquentation, l’augmentation du prix de l’essence ou encore le déploiement des voitures radars…
Crédit photo : Julien Salaün – News d’Anciennes