Nouvelle Alpine A110, faites-moi me tromper !
C’est une discussion sur les réseaux sociaux, il y a peu, avec le copain François-Xavier qui tient le site Alpine Planet, qui m’a rappelé cet article, jamais publié à l’époque. On parlait de la timidité de nos voisins britanniques au sujet de la nouvelle Alpine A110, à tel point qu’elle semblait bien seule et peu promue au Salon de Londres, et qu’effectivement, les acheteurs n’étaient pas franchement emballés. Je vous retranscris l’article tel quel, accompagné de quelques annotations permettant de le mettre à jour, mais c’est malheureusement la preuve qu’en 6 mois rien n’a vraiment changé, en tout cas à l’étranger (je ne peux pas parler de la France, je n’y ai pas remis les pieds entre-temps).
Elle n’est pas encore sortie, et on en sait très peu sur elle (NDLR un peu plus aujourd’hui), malgré les 1955 véhicules vendus en précommande, en référence à la date de création de la marque. Cependant, la nouvelle Alpine ne cesse de défrayer la chronique automobile, à quelques semaines de sa présentation officielle à Genève. Toutefois, je dois bien avouer que je suis on ne peut plus soucieux.
Alpine, c’est un pan de l’histoire automobile française qui renait de ses cendres, et c’est tant mieux. Toutefois, Spyker, Talbot, Invicta, Bugatti et d’autres encore se sont lamentablement « vautrées » lors de leur renaissance, (et même aujourd’hui Bugatti S.A.S. n’est pas une entreprise rentable, il s’agit de la vitrine technologique de VW, quitte à vendre à perte). J’espère qu’Alpine dérogera à la règle, mais l’Histoire de l’automobile ne donne pas un pronostic engageant, il faut l’avouer.
D’autre part, ressusciter Alpine, c’est bien, mais du point de vue industriel c’est prendre un pari osé. Cela revient à « sortir du chapeau » une nouvelle marque, sur un segment où les acteurs sont déjà bien présents, et donc s’offrir bien des difficultés. Et je dis bien nouvelle marque, 20 ans, c’est presqu’une génération entière de population ! Alpine avait déjà presqu’intégralement disparu des radars lorsque j’étais enfant (je suis né en 84, mes souvenirs automobiles remontent au tout début des années 90, et Alpine n’était déjà plus franchement en odeur de sainteté chez Renault, avec la 21 Turbo et la Super 5GT Turbo comme porte-étendards du losange), et ce sont plus mes origines géographiques, normandes, qui m’ont fait connaitre la marque que ses exploits en compétition, déjà surannés à l’époque. J’entends bien qu’Alpine se recrée une image depuis quelques temps sur ce terrain avec Signatech, et malgré d’excellents résultats de catégorie, en avez-vous entendu parler dans les médias « généraux » ? Non. La marque n’a donc pas à proprement parler d’historique dans l’inconscient collectif, laissant peu de place à une nouvelle génération d’acquéreurs. (NDLR Surtout à l’étranger, les trentenaires à Londres n’avaient presque aucune idée de ce qu’était cette marque, au même titre que Mitsuoka, pourtant bien plus confidentiel !)
Autre gros point noir, la durée du développement, mon dieu ! En 2012, Carlos Tavarès présente le prototype A110-50, signifiant par la même le retour d’Alpine aux affaires, chose rapidement confirmée avec l’entrée de Caterham dans l’histoire, afin de livrer une voiture d’ici début 2016. Arrive 2014, année « fatale » pour le projet, Caterham et Renault finalisent leur divorce, et Carlos Tavarès, porteur du projet, est devenu patron de l’ennemi juré : PSA, ce qui ne doit toujours pas entacher le lancement de la nouvelle voiture en 2016. Toutefois, la sortie est au final repoussée à 2017 (NDLR ah bah non, 2018), comme si les origines du produit devaient se faire oublier, car oui, il s’agit d’un bébé Tavarès. Arrive le début 2016 et la présentation du concept Vision, qui préfigure le modèle définitif et là… Une Alpine A110 remise au gout du jour, quelle audace-originalité-inspiration (rayez les 3 mentions inutiles). Je n’ai rien contre ce choix en tant que tel, mais…
La démarche de communication de Renault s’est construite sur l’ « ADN Alpine ». Pourtant, cette voiture met de côté 24 ans de production, sur 40 ans d’existence de la marque. C’est comme si Alpine n’avait rien fait ou n’avait pas connu de succès depuis la Berlinette. Hors, comme d’autres confrères l’ont déjà évoqué, l’A310 s’est plus vendue que la Berlinette, et même la GTA avait des volumes annuels supérieurs. Je le reconnais, je m’emporte un peu devant cette stratégie de communication un tantinet douteuse à mes yeux, car il reste un autre point où je doute que l’ADN Alpine soit conservé : l’architecture. La nouvelle Alpine serait, on n’a toujours aucune fiche technique à ce jour (NDLR On peut utiliser le présent et on sait aussi qu’elle sera équipée du 1.8 TCe poussé à 252 chevaux), un coupé en aluminium avec un moteur central-arrière, là où son ancêtre était un coupé à carrosserie composite avec un moteur en porte-à-faux arrière. Je ne suis pas spécialiste, mais je pense qu’avec de tels changements de morphologie, aucun biologiste ne parlera d’évolution, mais d’espèce différente. Je ne dis pas que ces changements n’étaient pas à faire, mais que le choix des mots du communicant (et c’est son métier) est tout sauf judicieux.
Parlons de judicieux, justement, le nom de la bête, ça y est, on le sait, A110. Certes la vague de résurrections de noms mythiques est passée, et le ras-le-bol à son égard s’essouffle, mais est-ce une bonne idée de remettre une pièce dans le juke-box ? Je ne le pense pas, vous l’aurez sans doute compris. C’est au mieux s’attirer des clients avec un joli nom, au pire, risquer se mettre tous les afficionados d’Alpine à dos. Et malheureusement, à l’heure actuelle les premiers ne sont pas ceux qui vont assurer le gros des ventes, c’est quand même prendre de gros risques pour lancer une nouvelle marque.
Il reste à ce jour une réelle inconnue, le positionnement de l’auto par rapport à la concurrence. Au vu des mentions lors de la précommande (fallait lire les petites lignes, mais comme je suis d’une curiosité maladive…), la petite nouvelle dieppoise devrait atteindre au maximum 60000€. Dans cette gamme de prix, on tombe inévitablement sur l’ennemi de toujours, Porsche, ainsi que d’autres modèles, certes moins performants ou au look plus banal, mais moins couteux. Il va être extrêmement difficile de se faire une place sans y laisser quelques plumes.
Dernier point, avant de conclure, j’aimerais faire le parallèle avec deux autres produits « industriels » (car c’est surtout ça, une voiture) qui ont suscité l’attente des fans pendant des années. Je suis un « geek » devant l’éternel et je dois avouer que j’attendais avec la plus grande impatience Star Wars 7 et Final Fantasy XV. L’un comme l’autre mettaient en avant le retour d’une licence appréciée (vénérée ?) par leurs fans en disant à quel point ils en reprenaient les codes pour rassurer les anciens clients, et attirer les nouveaux. Au final ? Star Wars s’est fait éreinter car même s’il s’agissait d’un film à grand spectacle et d’un excellent divertissement, il s’agissait plus d’un film de SF moyen que d’un Star Wars. Final Fantasy quant à lui ? Après dix ans de développement, un changement de nom, et 3 reports (vous la voyez l’analogie ?), la mayonnaise ne prend clairement pas. Certes, le jeu est dans les standards du temps, mais l’atout principal de la série semble avoir été mis de côté. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont certes des bons produits, mais pas à franchement parler un nouveau chapitre d’une saga qui a fait vibrer ses afficionados pendant des décennies, juste un truc dans l’air du temps (l’un au standard des blockbusters, l’autre à ceux des jeux dits AAA), avec un beau logo, et c’est ce que je crains avec cette nouvelle Alpine.
Le « modèle » que nous fournit le passé, ou les exemples analogues du présent ne me laissent pas imaginer d’issue heureuse à cette affaire. Mais je vous en prie, messieurs de chez Renault et Alpine, faites-moi me tromper ! Dans cette période de marasme automobile français, faites flotter fièrement et avec succès le A fléché qui a bercé mon enfance.
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