Moteur rotatif et moteur à piston rotatif, attention à la confusion
Paul de Boitier Rouge et moi sommes entrés dans un petit débat sémantique il y a quelques temps et il m’a poussé à écrire dessus. Voici la raison de notre discussion : par abus de langage, beaucoup d’entre nous parlent de moteur rotatif en parlant du moteur Wankel. Pourtant, c’est en soi un contre-sens.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, une petite explication sur les deux facteurs à l’origine de cette erreur. Tout d’abord, les moteurs rotatifs existent bien (on y revient dans un instant), mais surtout, l’erreur vient également de défauts de traduction, en langue anglaise on parle de « rotary engine » pour les deux types de moteurs.
Bon du coup, je ne vais pas vous faire poireauter plus longtemps, c’est quoi un moteur rotatif ? Comme son nom l’indique, c’est un moteur qui tourne ! (merci Captain Obvious) Plus sérieusement, ce sont des moteurs (toutes les applications ayant dépassé le stade de prototype étaient des moteurs en étoile) à vilebrequin fixe, et c’est le bloc qui tourne et permet de transmettre le mouvement. Hormis quelques motocyclettes (où le moteur était directement intégré à la roue) notamment, cocorico, celles de Félix Millet, cette configuration mécanique a été utilisée aux débuts de l’aviation. En effet, cette configuration permet de se passer de refroidissement liquide, tout en limitant les problèmes d’échauffement lorsque l’avion est stationnaire.
Les applications automobiles ont été plus rares, le refroidissement étant plus complexe, du fait de la carrosserie. On pourra retenir le quadricycle Balzer en 1894, ou à la sortie de la guerre un des prototypes de moteur dessiné par… Felix Wankel. En effet, son projet voyait le bloc tourner autour de l’excentrique (l’équivalent du vilebrequin pour un moteur à piston rotatif). Toutefois, les surcoûts de production, ainsi que les soucis de fiabilité engendrés par cette configuration ont poussé les ingénieurs de NSU à revenir à une architecture plus « conventionnelle ».
Le moteur Wankel, qui, vous l’aurez compris, n’en est pas tout à fait un, voit son rotor de forme globalement triangulaire (il s’agit en fait de trois arcs de cercle) tourner autour de l’excentrique. Mais ne nous y trompons pas, le rotor est bien un piston, au sens mécanique du terme. Son mouvement implique un changement de pression du mélange air-essence. C’est donc bien un moteur à piston rotatif. Que les puristes se calment tout de suite, on parle également de rotor, en effet, car il s’agit d’une piece en rotation autour d’un axe. Mais le choix de ce mot est aussi un coup de communication de la part de NSU, histoire de se démarquer des moteurs conventionnels. Pour le commun des mortels, quand on parle de rotor, on pense plus à un hélicoptère qu’à une voiture, c’est donc le terme idéal pour une mécanique qui devait réécrire les codes de l’automobile. Et c’était bien parti pour, avec nombre de grands constructeurs travaillant sur le sujet.
La suite, on la connait. Entre des soucis de jeunesse rendant la fiabilité aléatoire et une consommation élevée, le tout assaisonné de chocs pétroliers, le moteur à piston rotatif est resté marginal. Il a amené NSU et Citroën à la banqueroute, et Mazda s’en est tiré de peu, devenant le seul constructeur à proposer cette mécanique, jusqu’à la disparition de la RX-8 en 2012.